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16 janvier 2007 2 16 /01 /janvier /2007 14:33

(Extrait du Texte  « Lóczy a 40 ans » 1986 - disponible à l’Association emmi pikler) 


          Très tôt, Emmi Pikler avait pressenti que le nourrisson, pour prendre, garder, ou abandonner les différentes positions du corps, pour changer de posture ou se déplacer, ou encore pour apprendre à se mettre debout et à marcher, n'avait aucun besoin de l'intervention de l'adulte, que l'enfant passif devenait une personne active de même qu'elle doutait que cette intervention puisse accélérer le développement du nourrisson. Et d'ailleurs, si tel était le cas, elle ne pensait pas que cela constituait un avantage au point de vue de son mode de vie et son développement. 

 

Elle fondait ses opinions non seulement sur ses expériences professionnelles, mais aussi sur les idées de son mari pédagogue progressiste. Lors de la naissance de leur premier enfant, au début des années trente, elle décida de ne pas hâter son développement, de respecter son rythme individuel et de lui assurer, dès le début, la possibilité de prendre des initiatives, de se mouvoir librement et de jouer à sa guise. Ses parents ne placèrent jamais l'enfant dans une posture qu'il n'était pas encore capable de prendre ou d'abandonner tout seul, ils ne lui firent jamais faire de mouvements divers et ils s'abstinrent d'exercer une influence directe sur son développement moteur. En revanche, ils créèrent les conditions lui permettant de vivre dans la sérénité et l'harmonie, lui assurant l'espace nécessaire aux mouvements libres, et même un peu plus que ce dont il était capable de profiter ; ils veillèrent à ce que les vêtements ne l'empêchent pas de poursuivre ses activités, à ce que ses jouets, dont il se servait sans l'aide de quiconque, lui offrent des expériences adéquates, enfin à ce que, tout en se sentant entouré des soins affectueux de ses parents, il ait envie d'essayer toutes sortes d'activités et de connaître le monde et lui-même. Naturellement, Emmi Pikler ne se serait jamais décidée à tenter cette expérience si elle n'avait pas été convaincue de la justesse de son hypothèse ; elle estimait que, dans de telles circonstances, l'enfant qui suit son rythme propre et fait ses propres expériences, est capable de mieux apprendre à s'asseoir, se mettre debout, marcher, jouer, parler, réfléchir, etc. que celui que l'on incite à atteindre les différents stades de développement que les adultes estiment correspondre à son âge.

 

Etant donné que le développement de leur enfant répondait, dans tous les domaines, à l'attente de son mari et à la sienne, Emmi Pikler, de retour de Hongrie, devenue pédiatre de famille, a encouragé dans le même esprit, pendant une dizaine d'années, l'éducation de plus de 100 nourrissons et petits enfants. En prodiguant aux parents des conseils mûrement réfléchis et très détaillés, fondés sur ses observations régulières et continues, elle les a aidés, avant tout, à avoir confiance dans la capacité de développement de leur enfant. En tenant compte des besoins de l'enfant, ils organisaient soigneusement un mode de vie tranquille et harmonieux, en respectant son rythme de sommeil et d'éveil, en établissant un régime alimentaire équilibré mais simple, défini avant tout par l'appétit de l'enfant. Ils déterminaient aussi combien de temps l'enfant pouvait rester dehors, hiver comme été. Ils n'intervenaient ni dans ses mouvements ni dans ses jeux, ne lui faisaient pas faire d'exercices mais mettaient à sa disposition un endroit adéquat, même dans les appartements les plus petits. Les meilleures occasions d'être régulièrement avec leur enfant leur étaient offertes, essentiellement, par les repas, les changes, le bain et l'habillage. Au cours de toutes ces activités, les parents tentaient de ne pas se presser et de prendre en considération les besoins et les réactions de l'enfant, même si sa participation aux soins ralentissait les opérations : ils pouvaient alors savourer ce qui se passait entre eux.

 

 

Les parents, à leur tour, constatant l'activité sereine et indépendante de leurs enfants et conscients de la valeur de cette activité, peuvent sans sentiment de culpabilité, s'occuper d'autre chose, de leur passe-temps, par exemple, tout en restant évidemment à portée de vue et de voix .Ils ne se sentent pas esclaves de leurs enfants et ne le considèrent pas comme leur jouet. Ils trouvent plaisir à observer son activité et son développement, sont heureux en sa compagnie et dans leurs rapports avec lui. Ils attendent avec impatience le moment de se retrouver ensemble et si l'enfant essaye de prolonger ces moments en jouant, les parents ne considèrent pas cela comme de l'agressivité ou un comportement agaçant.
Les " enfants Pikler " d'autrefois ont grandi depuis longtemps et ont prouvé, par leur vie, leur travail et, ce qui n'est pas le moins important, l'éducation qu'ils donnent à leurs enfants et leur comportement de parents, que l'aide que leurs propres parents avaient reçue avait été bénéfique.


SES PRINCIPALES DECOUVERTES ET TRAVAUX DE RECHERCHE
 
 

 

 

1) - Ses principales découvertes :Myriam David, dans une journée d'étude(3) appelle brièvement quatre points concernant les principales découvertes d'Emmi Pikler :

 

(3) Journée d’étude du 13/12/03, « Bébé vécu, Bébé connu »(Introduction du Dr Myriam David)1er point : Une première donnée concerne le processus de développement du bébé. Emmi Pikler a montré que celui-ci est programmé, se déroule spontanément, dans un ordre donné. Point n'est besoin d'apprendre au bébé à se retourner, à ramper, se tenir debout, marcher, toucher, saisir, lâcher un objet, etc. Tout cela le bébé est capable de le faire, de lui-même, à mesure qu'il est exposé aux possibilités nouvelles apportées de jour en jour par son développement sensori-moteur.2ème point : La contribution majeure d'Emmi Pikler concerne le rôle essentiel que l'activité spontanée du bébé joue dans son développement. En effet, elle découvre combien le bébé prend plaisir et intérêt à exercer son activité spontanée et comment il se saisit des possibilités nouvelles offertes par son développement sensori-moteur, progressant ainsi de jour en jour à petits pas dans ses capacités et découvertes, au rythme de ce développement, chaque petit pas précédant et préparant le suivant dans un processus continu et dans un ordre donné. Ce faisant, le bébé ne poursuit pas un but, il va à l'aventure, découvre à tâtons, reproduit, maîtrise chaque acquisition au fur et à mesure de la poursuite de son chemin. On le voit capable à cet égard de faire de grands efforts et de ténacité, mais capable aussi de se reposer, parfois de regarder ailleurs, puis retourner à sa tâche.
Au travers de l'exercice de cette activité spontanée, le bébé est en vérité le moteur, l'animateur de la progression de son développement global : psycho-moteur, cognitif, psychique.
3ème point : Emmi Pikler montre l'importance de respecter toutes les manifestations spontanées du bébé, l'ordre et le rythme de leur apparition, la continuité de ce processus dont le bébé est auteur et acteur, parce que l'exercice de chaque pas prépare, sert de fondement au suivant. Il importe de ne pas le contrarier en faisant intrusion, en exposant par exemple le bébé à des postures qu'il n'a pas encore découvertes et qu'il n'est pas encore prêt à adopter, lui enlevant la joie de découvrir par lui-même et la confiance en ses propres capacités.4ème point : Emmi Pikler recherche donc les conditions qui autorisent et favorisent cette activité spontanée. Elle montre l'importance pour le bébé de bénéficier de trois espaces de vie bien distincts et qui s'alimentent l'un l'autre : 

 

 

 

 

    - Aire des soins corporels au sein d'une relation chaleureuse, intime avec la personne qui assure l'ensemble des soins et organise ces trois espaces. Cette intimité étant le fruit d'un regard attentif, permettant d'accéder à une connaissance du bébé réel, de ses progrès et acquisitions quotidiennes, de ses façons d'être, de ses capacités, celles déjà acquises, celles qu'il commence tout juste à exercer, celles qui s'annoncent, ceci favorisant la mise en œuvre des soins bien ajustés à l'état du bébé.

 - Aire de repos et de sommeil : la succession, le rythme, la durée respective, le contenu de chacun des espaces étant régulé en fonction de l'observation de l'état de l'enfant : état de développement, de vigilance, de fatigue, d'appétit, de satisfaction, etc. Afin que le bébé soit en état de bien-être corporel et qu'il puisse ainsi jouir pleinement de l'exercice de son activité spontanée dans chacun de ces espaces.

 

 2) - Recherche et travaux sur la motricité : (4)

 

 

Le livre d'Emmi Pikler " Se mouvoir en liberté dès le 1er âge "(1970 - Epuisé ; diffusion sous forme de polycopiés en accord avec les éditions PUF ) est une étude scientifique du développement de la motricité de jeunes enfants élevés dans cette institution. Une étude qui, grâce à de nombreux tableaux statistiques, révèle le comportement moteur de plus de 700 enfants sur une période de 17 ans de fonctionnement. On y trouve aussi des comparaisons avec d'autres statistiques relevées dans plusieurs manuels de pédiatrie. La plupart de ces ouvrages font état du développement moteur de jeunes enfants évalué lors d'examens cliniques neurologiques ou sont constitués de conseils pédiatriques à l'intention des parents. La majorité de ces ouvrages spécialisés intègrent à leur description, comme préalable et accompagnement des processus de développement moteur, l'aide directe de la mère ou des parents dans l'acquisition des différentes étapes de ce développement ainsi que l'utilisation d'accessoires considérés comme naturels (car habituels), tels que les babyrelax, chaise haute, babytrot, parc, etc.

Or, c'est en ces points que l'expérience de l'Institut Lóczy se différencie des descriptions de pédiatres. L'Institut Lóczy accueille des nourrissons âgés de quelques jours - orphelins ou dont les familles ne peuvent assurer plus ou moins provisoirement la prise en charge ; ils y restent au plus à cette époque, jusqu'à l'âge de 3 ans. Une réflexion sur les conditions d'accueil de ces jeunes enfants, une attention constante au développement de la personnalité de chaque enfant (une sécurité affective par attachement à un ou très peu d'adultes en particulier), permettent de leur assurer les bases nécessaires à la construction de leur personne (le fonctionnement de cet institut est longuement décrit dans l'ouvrage " Lóczy ou le maternage insolite " de G. Appell et M. David).

L'originalité de cette éducation, du point de vue du développement moteur, est la liberté proposée à ces enfants dès leur plus jeune âge et l'ouvrage d'E. Pikler relate l'observation de leur développement moteur dans leur vie quotidienne et non au cours de tests de leurs capacités. La liberté motrice consiste à laisser libre cours à tous les mouvements spontanés de l'enfant, sans lui enseigner quelque mouvement que ce soit. Le nourrisson sera toujours posé sur le dos tant qu'il ne sait pas, de lui-même, se tourner sur le ventre. Cette position sur le dos est celle qui permet le plus de détente (absence de tension pour soutenir sa tête) et le plus de possibilités d'activités propres à cet age (tourner sa tête, mouvoir ses jambes, ses pieds, ses bras et ses mains, bouger son tronc). Un enfant ne sera jamais mis dans une position qu'il ne sait déjà prendre de lui-même (on ne le mettra pas assis, ni debout avant qu'il ne le fasse de lui-même), on ne lui apprend pas à acquérir ces postures : il les découvre de lui-même, à partir de sa maturation neurologique et au gré de ses intérêts et de son désir d'expérimenter un nouveau mouvement. L'enfant essaie de nouveaux exercices, non pas poussé par un adulte qui attendrait de lui performances et précocité, mais parce qu'il se sent prêt à explorer une nouvelle possibilité, il en a envie et s'en perçoit capable. Bien sûr, pour que l'enfant puisse développer sa motricité, un certain nombre de conditions sont nécessaires :

  Une relation harmonieuse et porteuse de sens avec les adultes qui prennent l'enfant en charge

  Des conditions matérielles, telles qu'un espace suffisant, un environnement riche et varié qui donne envie d'agir, des vêtements adéquats qui n'entravent pas les mouvements. De même, un enfant n'est jamais immobilisé dans une chaise, par exemple, ou gêné dans ses mouvements par un babytrot

  Au cours des contacts avec l'adulte, des " conditions posturales " évitant de provoquer, de manière répétitive, des crispations de l'enfant (manière de le prendre pour le soulever, de le tenir, de le porter, de lui donner des soins…) L'utilisation d'accessoires, de même que l'intervention directe de l'adulte dans l'acquisition de certains mouvements résulte souvent de l'inquiétude des adultes (" si on n'apprend pas à marcher à notre enfant, il ne saura jamais marcher tout seul ") ou d'un souci de fortifier les muscles et de lui faire faire des exercices moteurs. Or, toutes ces aides que l'adulte pense apporter à l'enfant entravent un développement harmonieux de sa motricité en provoquant des crispations empêchant la coordination de l'ensemble des parties du corps.

E. Pikler a constaté chez tous ces nombreux enfants qui ont développé leur motricité de façon spontanée et par leur activité autonome, l'apparition successive de postures fondamentales. De plus, tous ces mouvements libres de l'enfant sont eux-mêmes autant " d'exercices de gymnastique " qu'il expérimente puis maîtrise peu à peu, et ce sont ces exercices répétés des centaines de fois qui vont permettre à l'enfant de découvrir l'organisation dynamique globale de son corps, de ses différents muscles et ainsi le préparer peu à peu à toutes les positions successives de plus en plus complexes dont finalement les postions assise et debout. Alors que l'enfant assis dans une chaise ou calé avec des coussins, avant qu'il ne sache s'asseoir de lui-même, va se trouver " cloué " sur place, immobilisé, réduit à une même et unique posture ; il ne pourra même pas jouer avec des objets car son équilibre est si précaire qu'un mouvement pour attraper un jouet tombé va le déséquilibrer. Ces enfants mis dans des positions qu'ils ne maîtrisent pas, restent tributaires de l'adulte malgré leur agilité et leur mobilité grandissantes dans d'autres postures, déjà maîtrisées. Cette liberté motrice permet à chaque enfant de se développer selon son rythme et les tableaux d'E. Pikler nous montrent une large dispersion des âges auxquels chaque enfant acquiert une nouvelle posture et favorise un bon équilibre, une bonne qualité de mouvement qui font constater, chez ces enfants, une grande harmonie et aisance corporelle.

Cette maîtrise de leur motricité se répercute sur le développement de toute la personnalité de ces enfants et influence leur développement psychique : ils acquièrent l'assurance dans leur corps ainsi que la prudence et apprennent à réagir avec adresse aux incidents inattendus et chutes qui peuvent accompagner leurs jeux. Ces mouvements participent à la construction d'une sécurité intérieure et d'une conscience de leur propre valeur, de leur compétence ; en expérimentant et découvrant leurs possibilités motrices, ces enfants développent un esprit d'initiative, une curiosité et un intérêt pour la découverte du monde, ils font preuve d'attention et de persévérance dans leurs tentatives ; ils découvrent le plaisir de l'activité riche, autonome et éprouvent un sentiment de réussite. Ces mouvements actifs des enfants, dont ils prennent l'initiative, jouent un rôle prépondérant dans le développement de l'intelligence : connaissance du corps propre mais aussi du monde extérieur et des objets. Ils participent à toute démarche d'apprentissage et donc de connaissance en général.

Ce développement de l'activité autonome des enfants ne signifie nullement l'indifférence des adultes : chaque enfant a besoin de partager sa joie avec un adulte qui lui est cher, lorsqu'il fait une acquisition nouvelle. Les adultes sont attentifs aux progrès des enfants et y participent en organisant un environnement approprié aux besoins de développement de chaque âge et en recherchant les conditions de cette activité autonome de l'enfant. L'attitude de l'adulte favorisant cette liberté motrice s'inscrit dans une attitude générale qui consiste à respecter l'enfant, à le considérer comme une personne capable d'initiative et de décision pour ce qui le concerne lui seul : son corps.

 

 

(4) Texte de Miriam RASSE in Revue « Vers l’éducation nouvelle » n°406 p 60 à 65 octobre 1986 sur « Se mouvoir en liberté, dès le 1er age » : un livre d’EMMI PIKLERLe docteur E. Pikler a découvert dans les années 30, à partir de l'activité motrice spontanée des jeunes enfants, un développement psychomoteur " physiologique ". Les stades de ce développement sont atteints uniquement à l'initiative des enfants, sans intervention " enseignante " de l'adulte. Après avoir observé ce développement dans des familles, E. Pikler a poursuivi sa recherche dans la pouponnière hongroise qu'elle a dirigée de nombreuses années.Adresse : Association Pikler-Loczy de France, 20 rue de Dantzig, 75 005, Tel:01 53 68 93 50

 

 

 - Aire d'exercice de son activité par lui-même : espace de jeu et d'activité libre dans laquelle l'adulte n'intervient pas directement mais qu'il prend soin d'organiser de façon à assurer sa permanence quotidienne et la sécurité du bébé. Le cadre de cet espace, sa dimension, ses limites, son contenu étant pensés en fonction du développement du bébé, de ses goûts et intérêts.                       

Emmi Pikler a rassemblé l'expérience de toutes ces années dans son premier livre " Que sait faire votre bébé ? " dont dix éditions ont été publiées en Hongrie et à l'étranger. Emmi Pikler pouvait constater que les enfants étaient généralement gais, curieux, vifs et actifs, qu'ils se développaient harmonieusement et que leurs rapports avec leurs parents et leur entourage étaient bons. Quant aux parents, eux aussi étaient contents. Bien que le système d'éducation qu'elle proposait ait exigé d'eux de réfléchir à l'organisation de leur vie et de leur environnement plus qu'ils ne le faisaient habituellement, pour que l'enfant soit et se sente vraiment en sécurité, les parents acceptaient de mettre en pratique ses conseils et étaient fiers et satisfaits de leur rôle. Ils étaient convaincus du bien-fondé de ses idées et constataient que leur enfant acquérait des expériences intéressantes, sans que leur intervention, au cours de ses activités indépendantes : ils ne pensaient pas que, pour pouvoir se considérer comme de bons parents, ils devaient toujours être à proximité de leur enfant, ni qu'ils étaient obligés de faire tout le temps quelque chose avec lui. Les enfants qui sont absorbés par leurs essais et leurs activités indépendants, n'exigent pas de leurs parents qu'ils soient présents en permanence, qu'ils participent à leurs activités, les distraient ou les aident continuellement puisque, même sans eux, ils ne se sentent pas impuissants.

 EMMI PIKLER par Judith FALK

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