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21 août 2006 1 21 /08 /août /2006 18:58

 

 

 

ŒDIPE, par Guy MASSAT

 

 

 

 

 

L’Œdipe est un mythe, un mouvement éternel qui n’a jamais eu lieu nulle part et qui se manifeste en chacun de nous d’une manière à chaque fois différente. Dans le conscient l’Œdipe ne présente guère d’intérêt. En effet, quiconque dans son introspection consciente la plus rigoureuse peut témoigner qu’il n’a jamais voulu « tuer son père ni épouser sa mère » au sens propre. « Tuer son père et épouser sa mère » ne se réfère pas à la réalité consciente mais à l’inconscient. Il n’y a ni mère ni père dans l’inconscient.

 

 

Mais alors qu’est ce que la Loi de l’interdit de l’inceste ?

 

S’agit-il de l’article 161 de notre code civil  selon lequel :

 

« Le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels. Ou l’article 162 : « Le mariage est prohibé entre le frère et la sœur légitimes ou naturels » ou le 163 : « Le mariage est prohibés entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu, que la parenté soit légitime ou naturelle ». Evidemment pas.

 

Comme vous pouvez le remarquer dans notre code civil ce qui est interdit c’est le mariage et non pas l’inceste. En fait, en France, comme en Espagne et au Portugal l’inceste n’est pas une infraction . Ce qui est puni par la loi c’est la violence faite à un mineur aggravée s’il s’agit d’un parent. Mais l’inceste entre adultes consentants n’est pas interdit. Chez les pharaons on pouvait épouser sa sœur et pas seulement avoir des relations avec elle. Les lois changent selon les circonstances. Il y a aujourd’hui des pays qui autorisent le mariage homosexuel etc…

 

Alors qu’est-ce que la loi de l’interdiction de l’inceste en psychanalyse, si ce n’est pas une loi sociale ? Est-ce un impératif, un commandement que l’esprit se donne à lui-même ?

 

 

L’étymologie du nom d’Œdipe est au moins double. C’est à la fois l’enflure (oe, comme œdème, et pous, pied), donc, « pieds enflés ». Sachant que les pieds sont ce qui permet de marcher, ils figurent le désir puisque nous ne marchons qu’au désir. « Pieds enflés », donc par le désir inconscient. D’autre part, l’étymologie nous donne aussi Oîda ( le savoir) et dispous (bipède), le bipède qui sait. Le savoir est de l’ordre du conscient, le conscient a conscience d’être conscient, « Savoir c’est toujours savoir qu’on sait », comme disait Alain. Œdipe donc est « le bipède qui sait », qui sait dans le conscient.

 

 

Le père d’Œdipe est Laïos, qui est l’arrière petit-fils de Cadmos. Le nom de Laïos a donné laïus, mot désignant un discours aussi interminable que l’histoire d’Œdipe puisqu’elle se continue en chacun être humain. Laïos fut d’abord chassé du pouvoir mais à la mort de ses suppléants il fut rappelé sur le trône par les Thébains. Son désir fut alors de rétablir la royauté héréditaire de Cadmos, alors que chez les Grecs le roi était choisi pour ses mérites et non pour sa naissance. Ainsi un oracle apprit que si Laïos avait un fils celui-ci le tuerait. Laïos épousa Jocaste fille du Thébain Ménoecée. Pour éviter la malédiction de l’oracle le couple avaient des rapports sodomistes. Mais un jour, après un banquet, ils eurent des rapports normaux dont la conséquence fut la naissance d’Œdipe.

 

Que faire de ce garçon ? Le tuer ? Ce serait aller contre son désir d’avoir un fils qui lui succèderait et poursuivrait la lignée de Cadmos et des labdacides. Le garder ? Ce serait enfreindre directement l’avertissement de l’oracle. Laïos choisit alors d’abandonner son fils dans les bois les pieds liés. Liés symboliquement à son désir de roi et à la destinée de son enfant. On verra ainsi, si le désir d’un père peut ou non triompher des oracles de l’inconscient.

 

Les bêtes sauvages épargnèrent Œdipe.

 

Il fut trouvé dans la forêt par un berger qui l’amena au roi de Corinthe Polybos qui le recueillit et l’éleva. Mais un jour, à son adolescence, un ivrogne dit à Œdipe qu’il n’était pas le fils du roi de Corinthe. Œdipe se mit alors à douter si fort de lui-même qu’il décida d’aller à Delphes interroger l’oracle sur sa véritable identité. A sa question :«  Qui suis-je ? » l’oracle ne répondit pas sur le plan du conscient, tu es le fils de Jocaste et de Laïos, mais sur le plan de l’inconscient : «  tu es ton propre désir, c’est-à-dire tu tueras ton père et épousera ta mère ». Horrifié, (et qui ne le serait pas ?) Œdipe décida de ne pas retourner à Corinthe. Il pensait ainsi éviter son destin persuadé que Polybe et la reine Péribée étaient bien ses parents.

 

Comme son père Laïos il se refusait à la voix de l’inconscient. Donc il se dirigea à l’opposé de Corinthe. Vous vous souvenez que le nom d’Oedipe peut signifier à la fois «  Pieds enflés », c’est-à-dire gonflés de désir, puisque les pieds comme le désir sont ce par quoi nous agissons. Et aussi oïda, (je sais) et dipous (bipède), « le bipède qui sait ». Il sait dans le conscient mais il désire autrement dans l’inconscient.

 

Dans sa fuite farouche à échapper à son destin Œdipe arriva un jour à une bifurcation de routes. Certains parlent d’un triple chemin : une voie venait de Thèbes, l’autre d’Athènes et la troisième de Delphes. Là un char lui interdisait le passage. S’ensuivit une querelle au cours de laquelle Œdipe tua tous les passagers du char à l’exception d’un serviteur qui réussit à s’enfuir. Oedipe venait là d’accomplir le premier temps de la prophétie. Le chef de l’attelage n’étant autre que Laïos, son père qui se rendait à Delphes.

 

Œdipe continua son errance puis ses pas le conduisirent aux environs de Thèbes. Là la région était terrorisée par un sphinx, monstre féminin à la tête de femme, au corps de lion, et pourvu d’ailes comme un oiseau de proie. Le sphinx posait des questions à ceux qu’il rencontrait et s’ils n’avaient pas la bonne réponse il les dévorait. Ce monstre avait été envoyé par Héra, le femme de Zeus, pour punir Laïos de ses transgressions, et c’est donc en allant à Delphes pour savoir comment ce débarrasser du Sphinx que Laïos fut tué par Œdipe.

 

Œdipe rencontra la sphinge qui lui posa l’énigme suivante ! « Quel est l’animal qui a quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir venu ? » Œdipe répondit que c’était l’homme, puisque quand il est bébé l’homme marche à quatre pattes, puis sur deux pieds quand il est adulte et enfin quand il est vieux il avance sur trois pattes car ses pas sont soutenus par une canne. On sait que les sphinx ne peuvent mourir que si l’on répond à leur question. Le sphinx étant la métaphore de la question. Si l’on vous demande combien font deux et deux, la question ne vous dévorera pas, elle est pour ainsi dire inexistante. Mais il y a d’autres questions qui peuvent vous empêcher de dormir et pour ainsi dire vous dévorer comme la sphinge de Thèbes. Néanmoins, la réponse d’Œdipe suffit pour que le sphinx puisse choisir la mort. Nous remarquerons qu’il ne s’agit pas d’une réponse très profonde, on croirait à une devinette pour enfant. C’est qu’on peut répondre juste sans connaître la véritable dimension de notre réponse. C’est le cas de tous les jeunes gens qui passent des examens. A vingt ans on peut passer, par exemple, son agrégation de philosophie, on connaît plus ou moins tout ce qu’on dit les grands penseurs de l’histoire et ça suffit à nos examinateurs qui n’en demandent pas plus. Pourtant ce n’est qu’avec la maturité qu’on abordera vraiment à ce que disent en profondeur les philosophes. La réponse d’Œdipe est du même ordre. En surface c’est une devinette, en profondeur elle traduit l’évolution psychique de l’être humain : quatre, deux, trois. L’être humain se confond d’abord avec ce qu’il perçoit, il se compte dans le compte, il s’ajoute au triangle familial, alors qu’il devrait s’en soustraire, adulte il accède à la logique binaire du conscient, puis avec la sagesse il sait compter jusqu’à trois, parce qu’il sait introduire dans sa pensée, la scytale, le bâton dont on se servait pour la transmission des messages dans l’Antiquité et qui marque la dimension de l’inconscient.

 

En tout cas, les Thébains font fête au vainqueur du sphinx et lui proposent, puisqu’il est si intelligent d’être leur roi. Il lui suffit pour cela d’épouser leur reine Jocaste dont l’époux a disparu. Mais Jocaste est de caste royale tandis qu’Œdipe, comme son nom l’indique, n’est qu’un va nus pieds, si habile soit-il. C’est le mérite contre la naissance. Œdipe réussit à convaincre Jocaste de l’épouser et devint ainsi roi de Thèbes. Le deuxième temps de l’oracle vient de s’accomplir Oedipe épouse sa mère. Le nouveau roi géra très favorablement les affaires de Thèbes et donna à Jocaste quatre enfants. Mais un jour la peste tomba sur la ville et un oracle expliqua que cette épidémie ne disparaîtrait que lorsqu’on aura découvert qui est le meurtrier de Laïos. Œdipe se charge alors de l’enquête. C’est la première enquête policière où l’enquêteur découvre qu’il est lui-même l’assassin recherché. Apprenant qu’il a tué son père et épousé sa mère Œdipe se crève les yeux et Jocaste se pend. Mais un oracle annonce aussitôt que là où mourra Œdipe ce sera la prospérité. Corinthe, Thèbes souhaitent alors qu’Œdipe vienne finir ses jours en leurs murs. Œdipe, rejeta Corinthe et les souvenirs de son enfance, et rejeta Thèbes où sa gloire fut si misérable, il choisit de mourir dans les faubourg d’Athènes, à Colone. L’oracle se réalisa encore. Athènes en effet connue la prospérité que l’on sait, dans les domaines politique, scientifique, artistique et philosophique.

 

C’est une prospérité du même ordre qui nous attend lorsque nous aurons, d’une manière ou d’une autre, réaliser ce que Freud appelle la sortie de l’Œdipe. Lorsque nous aurons délivré Œdipe dans notre propre histoire. L’extinction de l’Œdipe nous débarrasse de nos résistances inconscientes : la culpabilité, le refoulement, les répétitions, le transfert. Si la conscience morale rejette et dénie l’inconscient, l’inconscient en revanche favorise et enrichit l’activité consciente créatrice.

 

 

 

Si les malheurs de l’Œdipe accable tous les mortels il se manifeste pour chacun de façon différente. Je vous propose donc d’aborder le mythe d’Œdipe d’une manière nouvelle,c’est-à-dire, divisé en douze étapes. Elles notent des situations humaines que nous pouvons reconnaître partout, dans la littérature, le cinéma, l’histoire et notamment dans l’histoire de notre propre vie.

 

Vous pourrez constater, comme je l’espère, que chacune de ces étapes correspond à des moments essentiels de votre propre histoire.

 

Ces douze étapes forment pour ainsi dire une sorte de chemin de croix de toute existence. Mais vous pouvez aussi les voir comme une figuration des douze travaux d’Hercule, ou comme votre Odyssée personnelle ou, peut-être encore comme une sorte de zodiaque.

 

 

 

1/ Donc, premièrement il y a l’abandon :

 

Œdipe est abandonné dans une forêt au milieu de bêtes fauves, les pieds

 

liés, c’est-à-dire sans pouvoir fuir. (Chacun n’a -t-il pas vécu un pareil sentiment de détresse, d’abandon et d’angoisse ? Qui ne s’est pas senti comme le Petit Poucet  pleurant : «  Où sont mes parents »?Avec peu d’effort vous trouverez que vous avez vécu cette situation un grand nombre de fois, bien que leurs figurations soient à chaque fois très différentes. Rappelez vous, par exemple, votre premier jour à la maternelle ! Et si cela vous semble puéril, bien que ça ne le soit pas quand on le vit, et que vous aspiriez à des événements d’une élévation plus noble, vous n’avez qu’à méditer sur la « déréliction », concept philosophique qui signifie l’abandon en grec: pourquoi cette planète ? D’où vient-elle  et dans quel but ? Personne n’a ne réponse. Parce qu’il n’y en a pas. La déréliction c’est le fait que nous soyons jetés dans le monde, abandonnés de tout, sans lumière ni secours à attendre de quelque puissance supérieure, inférieure, ou autre. Et nous pouvons encore considérer avec effroi que nous sommes abandonnés dans le langage. Que veulent dire tous ces mots que nous ne comprenons pas ?

 

L’abandon, ce premier temps de l’Œdipe, chacun en fait, en a fait, ou en fera l’expérience.

 

 

 

2/Deuxièmement, il y a le sauvetage : Œdipe est recueilli par le roi de Corinthe, Polybe et la reine Péribée. ( Qui n’a pas été sauvé par quelque puissance généreuse à un moment ou un autre de son existence ? Qui n’a pas éprouvé ce sentiment de réassurance, de reconnaissance ? A la maternelle, une gentille maîtresse, nous a pris par la main, nous a installé à une table, nous donné notre goûter etc. c’était la reine Péribée ou Polybe, les souverains de Corinthe, en personne, et à bien y regarder nous en avons connus bien d’autres. Au milieu des mots inconnus voilà que surgit un sens. Les mots ne trouvent-ils leur sens, en quelque sorte, qu’en synchronie avec quelque roi et reine de Corinthe ?

 

 

3/En trois nous avons le doute : Œdipe doute de lui-même.

 

(Qui n’a jamais douter de lui-même ? Suis-je un animal, un végétal ou une simple chose ? Suis-je un enfant trouvé sorti de nulle part  et, en profondeur, de quel sexe ? Qui n’a pas éprouvé ce sentiment d’angoisse ? Qui sont nos parents ? Pourquoi sont-ce ceux-là et pas d’autres et pourquoi a-t-on des parents ? Quand on conçoit l’absence de raison par les quelles nous avons été jetés dans ce monde nous mesurons notre insignifiance.

 

Qui suis-je se demande le langage ? Quel mot, quel sens ? A quel mot à quel sens pourrais-je m’arrêter ? Et l’oracle (la bouche solennelle du vide) lui dit : tu es soumis au langage à ses métaphores et ses métonymies.

 

Evidemment « tuer son père » est une métaphore pour l’inconscient. Et « épouser sa mère » est une métonymie. Réduit que nous sommes au langage nous sommes toujours obligés soit de changer le signifiant et de garder le signifié, c’est la métaphore, soit de garder le signifiant et de changer le sens, c’est la métonymie. C’est ce qui s’opère continuellement dès que nous parlons. Tu es ton propre désir qui décide seul des mots et de leur sens. Voilà ce que signifie dans l’inconscient «  tuer son père et « épouser sa mère ». Ce qui n’a rien à voir avec le meurtre et l’inceste dans la réalité.

 

 

 

4/En quatre nous avons le refus de Delphes : Œdipe refoule l’inconscient.

 

Qui n’a jamais eu le sentiment angoissant de ne rien comprendre à ce qu’on lui dit, ou qu’il se dit à lui-même ? Qui n’a jamais eu envie de refouler ou refuser le destin qu’on lui propose ? Qui n’a pas eu envie de partir ailleurs faire fortune, qui n’a pas utilisé le mensonge pour changer sa condition ?

 

 

5/Cinquièmement le meurtre du père : Œdipe tue son père (qui n’a jamais trahi son père symbolique, réel ou imaginaire ?). ( Nous avons vu que « tuer son père » ne veut pas dire « tuer son père » mais qu’il s’agit d’une métaphore. C’est en refoulant le langage inconscient qu’Œdipe « tue son père ». Et ce que nous refoulons nous le vivons.

 

 

6/Sixième étape nous trouvons l’examen de la sphinge (qui n’a jamais eu à passer un examen essentiel où son existence était en jeu ? Qui n’a jamais fait cette expérience étrange de répondre juste sans connaître pour autant le sens profond de ce qu’il disait ? En tout cas, si nous n’étions pas confrontés à des questions vitales comment accéderions-nous au langage ? Vous vous souvenez de la réponse d’Œdipe, il répond juste sans savoir le sens caché de sa réponse. Ce sixième temps est celui où nous traversons des situations dont la réponse implique notre vie et notre mort et où nous réussissions sans trop savoir comment.

 

 

 

7/Septièmement le mauvais mariage : Œdipe devient roi de Thèbes et épouse sa mère. (Qui n’a pas eu de réussite satisfaisante bien que fondée sur quelque erreur fondamentale ? Jocaste représente, en quelque sorte, la langue pure et Œdipe la langue de la rue. D’abord Jocaste ne veut pas d’Œdipe, elle est une aristocrate et Œdipe un va-nu-pieds. Mais Œdipe montre qu’il est ce qu’il est par ses mérites tandis que la reine ne doit sa place qu’à sa naissance. Les deux langues finissent pas s’accoupler. Œdipe épouse Jocaste et devient roi de Thèbes. Qui n’a jamais fait de mauvais mariage en tout cas de mauvaises associations qui au début semblaient intéressantes et qui se sont révélées tragiques ?).

 

 

8/En huit nous avons la progéniture ou la production : Œdipe fait quatre enfants à sa mère. Qui n’a pas eu de progénitures ou quelques rejetons aux destins tragiques ? Ce sont ce que Freud appelle « les rejetons du refoulé ». La psychanalyse en sait quelque chose, elle est riche en rejetons dénaturés qui finissent en tragédie comme les enfants d’Œdipe. Qui pourrait dire qu’il n’a rien produit dans sa vie (enfants réels ou métaphoriques )?

 

 

9/ En neuf nous avons l’adversité : La peste tombe sur Thèbes.

 

Que veut dire « la peste tombe sur Thèbes » ? La peste tombe sur Thèbes. La peste tombe sur ta maison. La peste tombe sans cesse sur notre maison.

 

Qui ne s’est confronté à de mauvaises conjonctures dissociatives ? Qui n’ a pas vécu « la peste tombé sur Thèbes »,  comme si la vie n’était qu’une succession de mauvaises rencontres ?

 

 

10/ En dix nous avons la culpabilité : Coupable Œdipe découvre qu’il a tué son père et épousé sa mère. Qui ne sait dévoilé à lui-même comme imposteur ayant commis le contraire de ce qu’il souhaitait ? Qui n’a pas été victime de son propre langage ? Qui n’a pas découvert en lui-même un jardin secret qui pue le fumier ? Qui ne s’est pas découvert coupable et responsable de choses qu’il n’imaginait même pas ? N’y a-t-il pas de quoi se crever les yeux et partir mendier sur les routes 

 

 

11/En onze nous avons l’étape de la mort : La mort à Colone, faubourg d’Athènes. Nous mourrons toujours quand nous nous apercevons que nous avons été plus sourd qu’un sourd, plus aveugle qu’un aveugle, plus muet qu’un muet , bref, plus rien que rien. Car, nous sommes sans raison ni but, sans forme et sans nom. Nous constatons, pour peu que nous cessions de mentir à nous-mêmes, que sommes sans raison ni but, que rien ni personne ne nous attend. Nous sommes également sans forme puisque notre forme change sans cesse depuis le spermatozoïde que nous avons été, en pensant que le fœtus, l’enfant, puis le cadavre et la poussière que nous deviendrons sans qu’aucune de ces étapes ne possèdent de forme stable et définitive. Nous sommes par ailleurs sans nom puisque les noms qu’on nous donne ne sont pas les nôtres mais ceux des autres. Bref nous pouvons faire, sans mourir,  l’expérience de la mort. De fait, chacun meurt et connaît la mort dans sa vie même un grand nombre de fois.

 

 

 

12/ En douze, enfin, c’est la prospérité : L’oracle avait annoncé que le lieu où mourrait Œdipe connaîtrait une prospérité sans pareille. Aussi les cités faisaient-elle leur possible pour qu’Œdipe vienne finir ses jours en leurs murs. Corinthe rappelait qu’elle avait prit soin de lui quand il était enfant et qu’elle l’avait élevé. Thèbes rappelait qu’il avait été roi et qu’il appartenait à la ligné de Cadmos le fondateur de la ville. Mais Œdipe choisit de mourir dans le faubourg d’Athènes, à Colone. Colone en français sonne comme colonne. Et la colonne est un symbole ascensionnel. Là ou mourra Œdipe se sera la prospérité. C’est ce que Freud appelle la sortie de l’Œdipe, la fin du conflit névrotique, la sortie du fantasme, l’accès à la parole de l’inconscient, la fin de l’Œdipe c’est la prospérité intérieure, intime, la félicité inconsciente. C’est que la prospérité matérielle ou intellectuelle n’entraînent pas forcément la satisfaction vitale, alors que la fin de l’Œdipe autorise toutes les possibilités. L’accès au langage de l’inconscient est la fin de l’analyse et la prospérité de l’analysant. 

 

L’oracle se réalisa comme on peut le constater puisqu’Athènes connut une prospérité sans pareille. Elle inventa la philosophie, les principes des sciences, la démocratie, la liberté, les arts et d’une certaine manière la psychanalyse.

 

 

 

 

 

 

Je voudrai vous montrer  qu’on peut retrouver toutes les étapes de l’Œdipe dans l’histoire de Jésus Christ qui domine notre culture.

 

 

Comparaison entre le mythe d’Œdipe et celui de Jésus Christ.

 

1) Première étape : L’abandon - Œdipe est abandonné dans la forêt comme Jésus qui naît dans une étable.

 

2) Deuxième étape : L’aide - Le roi de Corinthe adopte Œdipe. Les rois mages apportent des présents à Jésus et des anges le protègent.

 

3) Troisième étape : Le doute - Œdipe doute de sa naissance. Jésus aussi : Est-il simplement le fils du charpentier Joseph ?

 

4) Quatrième étape : Le refus du destin - Œdipe refoule le destin qui lui est annoncé par la Pythie. Jésus aussi : il ne sera pas, il ne peut pas être charpentier.

 

5) Cinquième étape : Le changement de sens (ou meurtre du père) - Œdipe tue son père (Nous avons vu que « tuer son père », dans l’inconscient, qui n’est que langage, signifie changer de sens). Jésus se dira fils de Dieu. Ce qui est un changement extrême de sens.

 

6) Sixième étape : L’interrogation - Œdipe répond au sphinx. Jésus répond à toutes les questions des rabbins.

 

7) Septième étape : L’identification à un nom (ou épouser sa mère) - Œdipe épouse sa mère (Dans l’inconscient, qui n’est que langage, « épouser sa mère » signifie se faire un nom. Jésus devient célèbre.

 

8) Huitième étape : Le code ou savoir faire - Œdipe fait quatre enfants à sa mère (dans l’inconscient, qui n’est que langage, faire quatre enfants, c’est trouver son discours, son code, son savoir faire. Tous les gens célèbres ont leur propre code. Quatre est le chiffre minimum de tout langage comme le code ACGT de l’ADN. Jésus enseigne selon son code, rapporté précisément par les quatre évangiles. « Quatre ne donne accès que d’être puissance », dit Lacan dans Télévision (p. 43).

 

9) Neuvième étape : La situation d’épouvante - La peste tombe sur Thèbes. Les rabbins font un procès à Jésus.

 

10) Dixième étape : La culpabilité - Œdipe découvre qu’il est coupable. Jésus prend sur lui tous les péchés du monde.

 

11) Onzième étape : La mort - Œdipe meurt à Colone. Jésus sur la croix.

 

12) Douzième étape : La prospérité - Selon l’oracle le lieu où meurt Œdipe connaîtra la prospérité. Ce qui fut démontré par la prospérité d’Athènes dans tous les domaines. Selon ce que rapporte les évangiles Jésus est ressuscité. Conséquence : le succès de la religion chrétienne.

 

 

 

Sans les Grecs il n’y aurait donc pas eu de christianisme et sans doute il n’y aurait pas eu Freud.

 

Freud nous dit que : « Chaque nouvel arrivant dans le monde est mis en devoir de venir à bout de son Œdipe. » Ce qui veut dire que tant que nous n’approfondissons pas dans notre vie individuelle, l’histoire d’Œdipe, nous aurons beaucoup de mal à savoir nous rendre heureux.

 

 Nous pouvons donc utiliser les douze étapes de l’histoire oedipienne que je vous ai présentées pour comprendre et nous libérer des désirs qui causent notre souffrance.

 

 Dans quelle « crèche » suis-je né ?
 Dans quelle famille ai-je connu mes premières détresses ?
 Qui m’a aidé dans la vie ?
 Quels sont mes doutes essentiels ?
 Quels destins ai-je refusés ?
 Combien de fois ai-je véritablement changé de sens ?
 Quels furent mes examens, mes grandes interrogations ?
 Quelle est ma situation véritable ?
 Qu’est-ce que je sais faire ?
 Quelles sont les moments d’épouvantes que j’ai traversés ?
 De quoi suis-je vraiment coupable ?
 Combien de fois ai-connu la mort ? Qui sont mes meurtriers ?

 

 

« L’angoisse de mort, comme le fait remarquer Freud, est issue de la culpabilité » (étape 10). Remarquons que lorsqu’on accepte l’idée qu’on est déjà mort, on n’a plus peur de rien, ce qui est assez avantageux dans les bagarres pour la vie. Dans le devenir la mort est au service de la vie (12ème étape).
 Quelle est pour moi le sens de la prospérité, de la joie, du bonheur et de l’action ?

 

Ces douze questions ne constituent pas un interrogatoire psychologique mais bien douze portes pour entrer dans la dimension de l’inconscient.

 

 

 

« Je viens je ne sais d’où,
Je suis je ne sais qui,
Je meurs je ne sais quand,
Je vais je ne sais où,
Et je m’étonne d’être
toujours aussi joyeux » (Poème de Martinus von Biberach, Moyen Age).

 

 

Ce qui soutend qu’il n’y a pas d’origine. L’origine est sans origine autre que le langage. Nous n’avons ni père ni mère, ni aucune descendance, nous sommes seulement libres et responsable que de ce que nous disons. « Il n’est éthique que du Bien-dire », affirme Lacan (Télévision, p. 39). Il n’y a d’éthique que du bien dire de l’inconscient, du bien dire de notre daimôn.

 

 

www.cercle-psychanalytique-paris.fr

 

 

 

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commentaires

E
Enfin je tombe sur un site qui parle de psychologie et de vraie psychologie... Mon site est bien petit à côté de celui-ci! Allez zou: dans mes favoris!
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